Les créateurs du domaine du Bernet
C’est grâce à la force de caractère de quatre personnages que l’âme du Bernet a été façonnée : Pierre Vannucci, promoteur audacieux, Pierre Dufau, un des plus grands architectes français du 20ème siècle, Jean Béziat, maire dédié à la modernisation de Pibrac et son successeur, Henri Courtines, gestionnaire rigoureux de la commune pendant 24 ans.
Chacun à sa manière a contribué à la réalisation de ce grand projet innovant qui allait changer radicalement la physionomie de la commune de Pibrac. Si la transformation du village en banlieue était inévitable, il n’est pas certain qu’entre d’autres mains, Pibrac aurait pu garder son originalité et, surtout, son attractivité.
Pierre Vannucci, promoteur du domaine du Bernet
Décrit par tous ceux qui l’ont connu comme dynamique, créatif et surtout courageux, Pierre Vannucci, entrepreneur plein de talent et d’énergie, a laissé sa marque sur tout le Domaine du Bernet grâce, notamment, à ses idées novatrices.
Né en 1920, de parents corses, il a fait des études de droit à Toulouse, avant de devenir directeur de société. Son esprit entrepreneur l’a rapidement conduit à se lancer dans les affaires, d’abord dans l'agroalimentaire, avant de créer une entreprise de travaux publics, ce qui l’a amené assez logiquement à l’immobilier.
Après avoir pris la décision, au début des années soixante, de se lancer dans l’immobilier, un marchand de biens de Toulouse l’informa que le domaine du Bernet, terre encore agricole, était à vendre. L’affaire allait devenir son premier et unique projet immobilier car, portant sur une surface si étendue, sa réalisation l’a mobilisé pendant plus de vingt ans, tout comme sa future épouse, également partenaire dans l’entreprise. Il voyait le projet du Bernet comme le grand défi de sa vie professionnelle, c’est pourquoi il a décidé de vivre au cœur de son futur lotissement.
Pierre Vannucci
Il a signé l’acte sous seing privé du futur Domaine du Bernet en 1961, mais il n’a obtenu l’autorisation de lotir que le 3 mars 1967. En effet, si le maire de l’époque, Jean Béziat, voulait développer la commune, on s’interrogeait longuement, au sein de l’équipe municipale, sur l’impact qu’un lotissement risquait d’avoir sur la vie d’une commune de moins de mille habitants à l’époque. Le maire a néanmoins réussi à faire des plans d’urbanisme sous le contrôle de la Direction Départementale de l’Équipement, organisme qui était alors chargé de la politique d’urbanisme. Ces plans ont été approuvés par le directeur de la construction de la DDE le 16 avril 1966, donnant ainsi le coup d’envoi du projet du Bernet.
Avenant et optimiste, Pierre Vannucci voulait favoriser, à sa manière, la mixité sociale dès le lancement de son programme, en aidant de jeunes ménages à accéder à la propriété bien avant que leurs ressources ne le leur permettent : « Vous me paierez votre terrain quand vous aurez l’argent », disait-il à de jeunes artisans, enseignants et employés de bureau, incrédules devant un tel geste de confiance peu fréquent, surtout dans l’immobilier.
Si les épitaphes témoignant de l’affection que les personnes décédées ont suscitée de leur vivant sont courantes, Pierre Vannucci a amplement mérité la sienne. En quatre mots, ses amis ont voulu traduire l’âme de ce caractère hors du commun :
Généreux, chaleureux, sensible, enthousiaste
Pierre Dufau, concepteur des espaces verts du Bernet
Le plan de lotissement du Bernet ait été confié à l'un des plus grands architectes français du 20ème siècle, célèbre pour avoir réalisé le Nouveau Créteil, l’aménagement de la station de métro Charles de Gaulle, le siège de Safran à Paris, le centre de vols d’essai à Istres, la centrale nucléaire de Chinon, l’hôtel Hilton à Paris et des dizaines d’autres grandes réalisations en France et ailleurs dans le monde.
À l’époque, les permis de construire étaient accordés par les préfets travaillant en collaboration avec la Direction Départementale de l’Equipement, les maires ayant peu d’influence, et encore moins de pouvoir en la matière. Dans notre région, la DDE avait pour habitude de confier l’étude des projets de lotissement à des architectes de la ville de Paris, nommés à tour de rôle pour une année. L’architecte parisien désigné venait une fois par mois à la DDE de Toulouse pour étudier les projets immobiliers en cours. En 1967, c'était le tour de Pierre Dufau.
Fils d’architecte, né à Amiens en 1908, Pierre Dufau obtient son diplôme en 1937 et l’année suivante, au terme de son circuit universitaire, il est lauréat du très prestigieux Grand Prix de Rome d’Architecture. Fasciné par l’architecture moderne en vogue aux États-Unis, il est influencé par toutes les théories de l’époque sur la lumière, la bonne santé, le développement des sports de plein air, l'introduction de la verdure. Aussi, ce n’est pas par hasard si, dans l’aménagement d’origine du Bernet, les jardins étaient conçus sans clôture, comme les « housing estates » aux États-Unis.
Pierre Dufau (1908 – 1985)
Grand prix de Rome aidant, Pierre Dufau devient architecte en chef de la reconstruction de sa ville natale Amiens, lourdement endommagée par les bombardements. À la libération, la reconstruction deviendra naturellement l'une de ses préoccupations majeures. Il conseille des ministres et devient ainsi le premier membre du corps des « architectes de la reconstruction ».
À ce titre, il s’intéresse particulièrement à la cause du logement des plus pauvres, préconisant des logements collectifs accessibles au plus grand nombre. Dès le célèbre appel à la radio, le 1er février 1954, de l’abbé Pierre, Dufau le rejoint pour créer une cellule de soutien avec des architectes et des entreprises du bâtiment, apportant leurs talents, de l'argent et des matériaux de construction. Les pouvoirs publics le chargent de la réalisation d’une cité que l’abbé Pierre veut faire construire en région parisienne.
Pour Pierre Dufau, les soixante hectares du Bernet représentaient une excellente occasion de privilégier espace et verdure. Déjà influencé par les villes nouvelles en vogue en Angleterre avec leurs vastes ceintures vertes (les fameuses green belts), il s’apprêtait à en faire autant avec son gigantesque projet de ville nouvelle à Créteil, en région parisienne, où il allait créer 22 m² d’espaces verts par habitant, soit deux fois et demi plus que la moyenne des villes nouvelles en Ile de France.
Impressionné par l’étendue de la forêt de Bouconne et de sa proximité avec la commune de Pibrac, Dufau voulait en tenir compte en mettant l’accent sur la valorisation de la nature au sein du futur lotissement. En concevant les espaces verts, il a indiscutablement, comme à son habitude, apporté une touche d’originalité qui participe, aujourd’hui, à la renommée de Pibrac comme ceinture verte et bleue de l’ouest toulousain. Ce faisant, avec un demi-siècle d’avance, il a également mis le Bernet en lien avec les exigences écologiques et environnementales d’aujourd’hui.
Pierre Dufau est mort en 1985, à l'âge de 77 ans. Un site Internet a été créé à l’occasion du centenaire de sa naissance pour rendre hommage à sa vie et à son œuvre http://www.pierre-dufau.com. On y apprend, comme on pouvait s’y attendre, que la plupart de ses nombreux ouvrages ont été réalisés dans des grandes villes, si bien que Pibrac est l'une des rares communes ayant eu le privilège de bénéficier des talents de cette immense figure de l’architecture moderne.
Jean Béziat, le maire de la modernisation de Pibrac
Élu maire en 1953, Jean Béziat, comme la majorité des membres de son conseil municipal, était agriculteur. Au cours de son deuxième mandat, au début des années soixante, il a compris que l’expansion démographique de sa commune était inéluctable sous le double effet du développement de l’activité aérospatiale d’une part, et du rapatriement des Français d’Afrique du Nord d’autre part.
Souhaitant à tout prix préserver le village de l'emprise des promoteurs immobiliers, il voulait l’entourer d’une ceinture de verdure pour situer les futures constructions au-delà de celle-ci. Toujours lieu de pèlerinage, situé sur sa colline, il fallait préserver et même valoriser l’attractivité du village de Pibrac tandis que, dans l’esprit de Jean Béziat, une « nouvelle ville » pouvait se construire tout autour, le projet du domaine du Bernet constituant la première pierre de l’édifice.
À partir de 1962, des promoteurs immobiliers ont commencé à s’intéresser à la possibilité de construire des logements autour de Pibrac. Dans un premier temps, Jean Béziat a repoussé ces sollicitations, souhaitant donner à la fois aux membres du conseil municipal et à ses administrés le temps de s’adapter à la nouvelle situation qui se dessinait. Finalement, les membres du conseil municipal s’y sont résignés en votant le plan directeur d’urbanisme en mai 1964.
Jean Béziat, le maire de la modernisation de Pibrac
Dans cette optique, Jean Béziat a vite pris la mesure de l’importance stratégique du projet de Pierre Vannucci en tant que premier lotissement sur la commune. Confronté au changement radical qui s’annonçait pour Pibrac, ce fut une véritable aubaine pour lui, en tant que maire, de pouvoir l’initier par le biais d’un projet aussi original que prestigieux. Il l’a soutenu dès l’origine pendant les 18 ans qu’il a passé à la tête de la commune.
Henri Courtines, le maire gestionnaire
Originaire de l’Aveyron, diplômé de droit public et de droit privé de l’université de Montpellier, Henri Courtines s’est installé avec son épouse à Pibrac en 1947. Il est élu adjoint au maire en 1959, poste qu’il a occupé jusqu’à son élection à la fonction de maire en 1971.
Si les maires de Pibrac de l’après-guerre font habituellement de longs mandats, Henri Courtines détient le record absolu car, depuis la Révolution, aucun des 23 maires de Pibrac n’a servi quatre mandats comme lui. Il est en effet resté Maire pendant 24 ans, période pendant laquelle la population de la commune a plus que triplé.
Henri Courtines, maire de Pibrac de 1971 à 1995
Comme son prédécesseur, Henri Courtines s’est consacré à la modernisation de Pibrac qu’il souhaitait présenter comme une vitrine de développement résidentiel, le Domaine du Bernet devant servir de modèle.
Au début de son premier mandat, il existait donc un lotissement – le Domaine du Bernet - à deux kilomètres du village séparé de celui-ci par des terrains vagues. Pour Henri Courtines et ses conseillers municipaux, il était évident qu’il fallait « remplir le vide » en construisant entre le village et le Bernet.
Le comte de Pibrac, membre de longue date du conseil municipal, a fini par soutenir la vision du Maire voulant que la commune se développe et se modernise. Pour ce faire, il a cédé à un prix symbolique les nombreux terrains qu’il possédait entre le village et le Bernet, ce qui a permis la création du centre commercial Sainte-Germaine, l’école du Bois de la Barthe, la salle polyvalente et le théâtre municipal. Au terme de l’ultime mandat d’Henri Courtines en 1994, Pibrac était devenu une commune bien équipée, figurant parmi les endroits réputés les plus agréables à vivre de toute l’agglomération toulousaine.